Projet Léonard - Acquisition du langage et grammaticalisationProjet Léonard - Acquisition du langage et grammaticalisation

Grammaticalisation

Par Aliyah Morgenstern . Dernière mise à jour le : 6 janvier 2009.

L’intérêt pour la grammaticalisation n’est pas un phénomène nouveau, mais il date surtout des années 70 durant lesquelles on a retrouvé une perspective diachronique et développé la dimension pragmatique. Notre utilisation du concept peut sembler un peu détournée : nous parlons de grammaticalisation chez l’enfant quand ses productions verbales deviennent "plus grammaticalisées" grâce notamment à la présence de marqueurs grammaticaux et à la syntaxe.

Comme les chercheurs (depuis Meillet 1912) qui travaillent sur la grammaticalisation au sens plus traditionnel, nous nous demanderons quelles sont les raisons qui sous-tendent ce phénomène.

-  Pourquoi un enfant va-t-il à 2 ;3 commencer à utiliser la préposition à, alors qu’il se contentait jusqu’alors de juxtaposer deux termes lexicaux ?

-  Pourquoi va-t-il à 2 ;4 utiliser la conjonction parce que alors que sa mère le comprenait parfaitement quand il produisait des énoncés en juxtaposant des prédications par parataxe ?

L’enfant ne va pas seulement utiliser les marqueurs grammaticaux qu’il entend dans le langage qui l’entoure, il va également soit "détourner" des formes pour d’autres fonctions (marquer différents degré d’agentivité, ou différentes perspectives avec plusieurs formes d’auto-désignation - moi, prénom, pronom de 3° personne et de 2° personne - pour dire je.

Il va encore "créer" des formes pour grammaticaliser des catégories qui ne sont pas exprimées dans le langage qui l’entoure. En anglais, certains enfants expriment la différence entre propriétés temporaires et inhérentes avec les suffixes -y / -ed ( exemple : crumby/crumbed E.V. Clark, journal non publié) alors que cette dichotomie n’est pas exprimée en langue adulte.

Nous pensons comme d’autres chercheurs qui travaillent sur la grammaticalisation en diachronie à une interprétation sémantico-pragmatique, mais en privilégiant "le désir d’expressivité" (Prévost 2003) de l’enfant à l’intérieur de la situation d’interlocution, et donc l’inscription discursive des marqueurs grammaticaux qui apparaissent dans le langage de l’enfant. Cela nous conduira à travailler sur le concept de grammaticalisation non pas tant dans sa valeur résultative mais en tant que processus, en tant que phénomène évolutif, marqué dans les énoncés des enfants.

Il s’agira donc de comparer le processus de grammaticalisation décrit en linguistique diachronique à l’émergence de la grammaticalité chez l’enfant.

 

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